Dans cette série d’articles, les équipes de Crakmedia aborderont leur propre expérience avec les outils basés sur l’intelligence artificielle dont elles se servent quotidiennement. Ces outils permettent à l’entreprise de marketing de performance de Québec de s’adapter rapidement aux conditions changeantes de ce type de marketing hautement dynamique, nécessitant une capacité d’adaptation en temps quasi-réel.
L’année 2024 a tiré sa révérence et Crakmedia a fait des pas de géant dans la dernière année dans l’utilisation des outils IA qui sont à sa disposition. Nous abordions en octobre comment le travail de nos designers était accéléré et facilité par la multitude d’outils à leur disposition. Une plateforme comme Stable Diffusion permet à l’équipe d’entraîner une intelligence artificielle avec les créations des designers de Crakmedia afin de générer du matériel qui soit conforme aux guides de style de nos marques sous gestion.
Il y a quelques mois, le projet d’optimiseur automatisé de placement publicitaire de Crakmedia remportait d’ailleurs le Mercure de l’Accroissement de la productivité lors du Gala des Mercuriades 2024, organisé par la Fédération des Chambres de Commerce du Québec. Celui-ci est maintenant bien implanté dans le quotidien des acheteurs médias de l’entreprise et plusieurs autres outils sont en développement ou en projet pour venir soutenir leur travail. Les outils IA ont le potentiel de révolutionner le quotidien des acheteurs médias de l’entreprise et notre spécialiste des communications François Tremblay s’est entretenu Francis Jobin, directeur des opérations achat média, et Gabriel Savoie, acheteur média, afin d’avoir leur point de vue sur le sujet.
L’achat média, c’est quoi?
L’achat média, ou media buying, est une stratégie essentielle autant en marketing numérique que traditionnel. Il s’agit du processus de recherche, de négociation et d’achat d’espaces publicitaires sur différents supports pour atteindre une audience ciblée. Les supports peuvent inclure la télévision, la radio, les journaux, les magazines et les panneaux d’affichage dans le cas du marketing traditionnel, alors que le marketing numérique s’intéresse plutôt aux réseaux sociaux, aux sites web ou aux applications mobiles. Dans le cas de Crakmedia, ce sont évidemment les plateformes numériques qui nous intéressent!
L’objectif principal de l’achat média est d’obtenir un maximum de visibilité et d’impact pour une campagne publicitaire, tout en optimisant le retour sur investissement, le fameux ROI (de l’anglais return on investment). Cela nécessite une compréhension approfondie des comportements des consommateurs, des tendances du marché et des performances des différentes plateformes publicitaires.
Et dans un monde toujours plus concurrentiel, l’utilisation de technologies fondées sur l’IA est devenue essentielle afin de garder l’avantage par rapport aux autres entreprises comme Crakmedia.
L’IA, un précieux soutien aux opérations
FT: Comment le métier d’acheteur média a-t-il changé dans les dernières années avec l’arrivée des outils basés sur l’intelligence artificielle?
GS : L’arrivée de l’IA dans nos opérations est très récente donc on vit le changement en ce moment. Ce qui va changer rapidement dans les prochains mois ou années, c’est l’augmentation de notre capacité à optimiser les campagnes publicitaires. Ce sont particulièrement les tâches time-consuming et répétitives qui vont être remplacées en partie ou complètement par des outils automatisés. Ils vont permettre aux acheteurs médias d’augmenter de beaucoup leur réactivité et leur rapidité.
FJ : Et ce ne sont pas seulement les tâches répétitives qui seront optimisées, on parle aussi de celles qui sont extrêmement complexes et difficiles à exécuter dans un temps raisonnable. Par exemple, si on a à faire une recherche approfondie sur la performance d’un spot publicitaire et croiser une quantité astronomique de données, les outils IA vont permettre à un acheteur média de faire ressortir des tendances qu’un humain n’aurait pas la capacité de voir sans être analyste de données et sans y passer des jours, voire des semaines.
On travaille souvent avec des réseaux publicitaires qui ont des sources de trafic web aux provenances extrêmement variées et il serait pratiquement impossible de déceler en un coup d’œil les variations souvent infimes. Un modèle IA peut absorber toutes ces données là en quelques minutes et nous donner les réponses dont on a besoin.
GS : C’est le genre d’analyse trop complexe qu’on ferait probablement faire par les analystes de données, mais, pour eux, les retombées ne sont pas tout à fait assez importantes pour que ce soit une priorité. Ça se retrouvait donc entre deux et c’était des analyses qu’on mettait de côté : trop longues et complexes pour qu’un media buyer s’en charge, mais avec des retombées trop petites pour que ça vaille vraiment la peine qu’un analyste s’y attarde.
FT : Quels sont les nouveaux défis du métier d’acheteur média?
FJ : Un des gros défis, c’est la démultiplication des données. Si on recule en 2011, l’entièreté des opérations de placement publicitaire de Crakmedia (et même l’administration et la comptabilité en fait!) vivaient dans des chiffriers Excel qui étaient connectés à nos sources de données.
Aujourd’hui, grâce à de nouveaux outils de gestion qui donnent beaucoup de flexibilité dans notre gestion des espaces publicitaires, on cible de manière beaucoup plus précise des villes, des états, même des heures de la journée… C’est puissant et pratique, mais ça a décuplé la quantité d’informations qu’on recueille sur notre trafic et donc la difficulté des analyses de données.
On génère maintenant des téraoctets de données chaque trimestre et c’est complètement inconsommable par un être humain. C’est là que l’IA devient très intéressante, car elle peut nous aider à traiter cette quantité astronomique de données avec sensiblement la même équipe.
FT : Avez-vous un exemple de travail que l’IA vous aide à faire et qui aurait été difficile à faire avant?
FJ: Récemment, Gab avait à identifier quelles sources de trafic de qualité ont disparu, à quel moment et quel impact ça a eu sur les revenus? Ça prend des jours à l’équipe d’analystes en acquisition de trafic pour consommer les données nécessaire et donner une réponse. Pourquoi? Ils doivent recevoir le besoin, comprendre le travail à faire, acquérir et nettoyer les données, traiter les données, l’interpréter et ensuite en faire ressortir quelque chose d’actionnable. Et c’est complètement normal, ça prend du temps.
GS : J’ai eu ma réponse en quelques questions [prompts] après avoir fait analyser les données par un modèle IA. L’analyse croisait les données provenant de plus de 7000 sites web, sur plusieurs mois et le modèle a pu trouver qu’à un moment précis, une quarantaine de sites avaient arrêté d’envoyer du trafic et qu’ils représentaient une perte de X dollars.
FJ: On élimine énormément de back-and-forth et de temps morts en utilisant l’IA. On a pas besoin de planifier une rencontre d’étude de besoin, et après de faire des suivis sur les résultats préliminaires, se réorienter parce que c’est pas exactement ce qu’on voulait… au final ça prend une semaine pour avoir une réponse et il est rendu trop tard pour réagir, le momentum est passé. En marketing de performance, on a souvent besoin de s’ajuster en temps presque réel et c’est juste impossible d’attendre une semaine après une réponse.
FT: Qu’est-ce que ces outils ont changé dans votre façon de faire de l’achat média chez Crakmedia?
GS: Toutes les analyses qui avant auraient dû passer par les analystes ou les scientifiques de données, mais qui nécessitent des réponses rapides, on peut soit les assumer nous-mêmes ou du moins prédigérer les données avant de leur donner pour que l’analyse puisse être faite en une fraction du temps.
FJ: Le fait que nos acheteurs média peuvent se charger de certaines analyse grâce à l’IA, ça permet aux analystes de se pencher sur des analyses hyper complexes qui ont des répercussions sur l’ensemble de nos opérations et dont les retombées sont majeures pour l’entreprise en entier. C’est important pour un acheteur média de comprendre pourquoi un espace publicitaire donné performe moins bien, mais ça ne vaut pas nécessairement la peine pour un analyste d’y passer des heures alors qu’il aurait pu passer ce temps sur un projet qui a des retombées 10 ou 20 fois plus importantes pour l’entreprise.
GS: Ça vient vraiment nous permettre de rentabiliser les analyses moyennement complexes : les simples, on s’en occupait déjà et les très complexes, les analystes et scientifiques de données s’en chargeaient. Ce sont celles dans le milieu qu’on arrivait pas nécessairement à justifier et maintenant on peut.
FT: Est-ce que Crakmedia peut se considérer comme un pionnier en marketing de performance boosté à l’IA?
FJ: Oui et non. Non, parce que ça fait longtemps que des modèles open source existent et ça a pris du temps avant qu’on se donne le droit de le faire. Il y avait tout un aspect légal, de conformité et de confidentialité des données à considérer avant de pouvoir même envisager d’injecter de la donnée sensible dans une plateforme open source. Toutes les données qu’on recueille, c’est de la donnée sensible qu’on ne peut pas utiliser n’importe comment.
Là où je pense qu’on est leaders, c’est dans le fait de se donner le droit d’utiliser cette donnée et de mettre en place l’infrastructure pour pouvoir le faire sécuritairement. Il nous reste encore énormément de travail à faire pour utiliser l’IA à son plein potentiel, mais on avance à pas de géant depuis qu’on a eu accès à ChatGPT fin octobre. Quand je regarde la tendance, j’ai l’impression qu’à la fin de 2025, on va être à des années lumières d’où nous sommes aujourd’hui. Je pense même qu’on va se surprendre à complètement dépasser nos objectifs et nos attentes.
FT: Rencontrez-vous des obstacles ou des limites en travaillant avec l’IA?
GS: Oui, mais je dirais que le problème c’est qu’on se limite nous-mêmes parce qu’on ne comprend pas ce que l’outil peut réellement faire. À force de challenger l’IA, on s’aperçoit que c’est pratiquement infini les tâches qu’elle peut nous aider à accomplir.
FJ: Au début, quand on commence, on a la fausse impression qu’on sait comment l’utiliser…et plus tu travailles avec, plus tu te rends compte de l’immensité de ces outils et des possibilités…et un peu de leur stupidité aussi.
GS: En fait, c’est qu’il est très littéral donc tu dois lui expliquer comme tu expliquerais à un enfant. Ton modèle IA au départ, il ne connait rien et tu dois tout lui apprendre.
FJ: L’IA est « intelligente » dans sa capacité d’apprendre hyper puissante et sa capacité à travailler extrêmement rapidement. Mais si tu ne lui explique pas bien ce que tu veux et comment interpréter les données, elle va faire un peu n’importe quoi. C’est comme si tu demandais à un enfant de 3 ans de multiplier des fractions : il lui manque plein de connaissances et de concepts pour pouvoir le faire. Par contre, l’IA est capable de comprendre extrêmement rapidement.
GS: Et l’erreur que les gens font souvent quand ils commencent avec l’IA, c’est de considérer que l’outil est réellement intelligent et va faire les liens tout seul.
FJ: L’IA va être capable d’assimiler en une heure ce que tu as appris en un an…à condition que tu sois pédagogue, que tu lui apprennes et que tu comprennes ce qu’il ne comprend pas. Quand il hallucine des choses, il faut que tu aies la capacité de comprendre que c’est une hallucination et que ça n’a pas de sens. Et tu peux ensuite lui demander d’expliquer son cheminement pour pouvoir corriger son interprétation.
GS : Et les outils basés sur l’intelligence artificielle sont généralement vraiment bons pour faire une tâche spécifique sur laquelle ils ont été entraînés, mais pas très bons sur le reste.
FJ : Je crois que ça va prendre énormément de temps avant qu’on ait une IA Media Buy unique qui soit capable de tout faire et d’interpréter n’importe quelle donnée. On va plutôt avoir 10 outils entraînés sur un aspect précis.
FT: Donc pour vous, la place de l’être humain est encore au cœur des opérations malgré l’IA?
GS: Il faut quand même superviser son travail un minimum, surtout au début et s’assurer que c’est de la qualité avant de le laisser travailler seul.
FJ : Chaque outil IA qu’on développe, je le considère comme un nouvel employé qui doit faire ses preuves avant que je puisse le laisser travailler de façon autonome. Dans sa première année il est en apprentissage, dans les années 2 à 4 il acquiert son autonomie et à partir de sa 5e année il est en mesure de former d’autres personnes. C’est un peu le même principe pour l’IA, mais à une échelle accélérée en l’espace de quelques semaines.
GS: Puis l’utilité de l’IA dépend de l’humain qui l’utilise : tu dois savoir quoi lui demander, comment lui demander et avoir une bonne idée de ce que tu veux obtenir. Et pour ça, tu dois maîtriser le sujet et savoir interpréter les réponses. Si tu demandes à l’IA de te pondre un code en PHP, tu dois être pro toi-même pour être capable de savoir si ce que l’IA te donne est bon ou si c’est n’importe quoi avant d’injecter le code dans ton programme.
FJ : Les gens ont tendance à avoir beaucoup trop confiance en l’IA à court terme et ça peut les mener à prendre une mauvaise décision basée sur une mauvaise interprétation. D’où l’importance d’être soi-même expert pour pouvoir être critique des réponses de l’IA et déceler les non-sens.
FT: Quel est l’avantage principal pour Crakmedia d’investir en IA?
FJ: Il y a une grosse de question de ressources humaines. Les analystes en acquisition de trafic, c’est une denrée rare non seulement chez Crak, mais aussi dans le marché de l’emploi en général : toutes les entreprises en ont besoin et on se les arrache. Il n’y en a pas assez pour répondre à la demande.
Les acheteurs médias, eux, sont extrêmement rares sur le marché car la formation n’existe tout simplement pas. On prend des personnes qui ont des backgrounds en vente, en marketing, en administration et on leur apprend in-house à devenir des acheteurs média. On a très rarement quelqu’un qui arrive avec 10 ans d’expérience et qui peut être profitable le jour 1.
Pour 2025, c’est l’un des nerfs de la guerre que de trouver une façon d’automatiser beaucoup de nos opérations les plus lourdes en temps justement pour compenser cette rareté de main-d’œuvre à laquelle il n’y a pas vraiment de solution à court ou moyen terme.
FT : Qu’est-ce que vous aimeriez que l’IA vous aide à faire dans le futur?
GS : Nos outils ne sont pas en mesure de prendre des décisions de façon autonome en ce moment. Le rêve serait que l’IA puissent prendre des décisions automatiquement basées sur les données en temps réel sans qu’on lui demande. Que l’outil apprenne essentiellement à se déclencher de lui-même avec une supervision minimale.
Ce serait aussi pratique qu’il soit capable d’identifier ses propres lacunes, comme un être humain ferait, et essentiellement s’auto-suggère des choses à apprendre pour mieux faire son travail. Mais on est pas rendu là du tout.
FJ : On aimerait bien que nos outils IA soient en mesure de créer un flux de vente complet de manière quasi-autonome sans consommer trop de ressources humaines et financières. Ça nous permettrait de lancer des campagnes pour valider des hypothèses en l’espace de quelques heures. Ensuite, une fois l’hypothèse validée, on pourrait assigner les ressources pour créer une campagne complète… et si la preuve de concept échoue, on a aura pas passé des semaines sur le lancement d’une campagne vouée à l’échec.
FT: Je me doute de la réponse mais je vous pose quand même la question : est-ce que vous pensez qu’à long terme l’IA pourrait remplacer complètement un acheteur média?
GS: Non. L’IA va être un outil qui va prendre une place importante pour soutenir notre travail, prendre en charge les tâches répétitives ou time-consuming, mais il ne pourra pas nous remplacer. Ça va changer la façon qu’on travaille, définitivement, et je crois que ce sera pour le mieux. Ça va augmenter notre capacité.
FJ : Est-ce que l’ordinateur a remplacé l’humain? Visiblement, non. Est-ce qu’il nous a permis de repousser nos limites? Oui, absolument! Avant ça prenait 100 ingénieurs avec des tables à dessin pour faire les plans d’une machine ou d’un bâtiment. Maintenant ça en prend 5 avec des ordinateurs et les mêmes 100 ingénieurs peuvent donc travailler sur 20 projets en parallèle. On accélère notre capacité de développement et tout le monde saura y retrouver sa place malgré les révolutions technologiques.
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